Les trois premières habitations de Samuel de Champlain en Nouvelle-France sont bien connues, mais la quatrième reste oubliée. C’est comme si l’histoire eut un soudain blanc de mémoire.

En 1604 il y eu l’habitation de l’Île Sainte-Croix située dans l’actuel état du Maine aux États-Unis. Ce fut la toute première colonie européenne au nord de la Floride. Elle était fortifiée d’une palissade en pieux, à l’intérieur de laquelle différents bâtiments étaient situés le long de deux rues formant une croix.

Le printemps suivant, après un hiver rigoureux qui tua plus du tiers des colons, victimes du scorbut, l’habitation fut transférée sur la terre ferme à Port-Royal en Nouvelle-Écosse. Elle ressemblait aux hameaux de fermes fortifiés que l’on pouvait voir dans la France de la fin du 16e siècle.

En 1608, Champlain et plusieurs colons vinrent s’établir sur les bords du fleuve Saint-Laurent, plus précisément à Kébec, mot amérindien signifiant « lieu où les eaux se rétrécissent ». L’habitation de Québec fut érigée près du site du village abandonné des Premières Nations de Stadacona que Jacques Cartier avait visité en 1535.

Puis en 1615, l’habitation de Carhagouha (divers orthographes ont cours) dans l’actuelle paroisse Sainte-Croix de Lafontaine en Ontario fut érigé à l’intérieur de la triple enceinte de cette forteresse autochtone disparue au cœur de l’ancien pays des Hurons-Wendats à une quinzaine de kilomètres de Penetanguishene (signifiant « lieu des sables blancs »). À cette époque, la population de la Huronie était estimée entre 20 000 et 30 000 Autochtones répartis dans plusieurs communautés.

DES VITRAUX HONORIFIQUES QUI EN DISENT LONG

Avant la construction d’une église paroissiale en 1857, les premiers colons de Lafontaine (venus de Batiscan, de Joliette et des comtés de Soulanges et de Vaudreuil, entre autres) devaient se rendre à Penetanguishene pour leur spiritualité. En 1874, la présente église en briques remplaça l’ancienne en rondins au même endroit, plus précisément au 327 rue Lafontaine ouest dans le canton de Tiny. Trois vitraux richement colorés, ayant trait aux personnalités de Carhagouha, soit les gens du pays, le premier gouverneur de la Nouvelle-France (1612-1635), et le fondateur de la première mission en Huronie, racontent l’histoire de Carhagouha.

LES HURONS-WENDATS :

François du Peron (missionnaire jésuite né à Lyon en France et surnommé Anonchiara par les Amérindiens) décrit les Hurons-Wendats ainsi : « Ils ont quasi tous plus d’esprit en leurs affaires, discours, gentillesses, rencontres, soupplesses et subtilités, que les plus avisés bourgeois et marchands de France. Ils règlent les saisons de l’année par les bêtes sauvages, par les poissons, les oyseaux et plantes de la terre ; ils nombrent les années, les jours et les mois par la lune. […] Les mariages sont libres » (Les Relations des Jésuites, Volume XV, à la page 15).

Ils acceptent de recevoir des missionnaires aux fins de nouer des liens commerciaux plus étroits avec les Français et d’obtenir d’eux une aide militaire. En réponse à la demande de Champlain d’autoriser le mariage entre Français et Hurons, ces derniers lui enseignent que le mariage est une affaire entre deux individus et leurs familles et qu’elle n’est pas soumise à la décision du Conseil. Il y a 54 ans aujourd’hui, Pierre-Elliott Trudeau, alors ministre de la Justice, reprit le même thème en déclarant publiquement « l’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation ».

Il est fort probable que Champlain ait aussi appris lors de son séjour en Huronie quelques fables wendats comme Les Ours des Montagnes rouges, portant sur la science de la guérison. Elles sont aussi bien apologues que celles de Jean de La Fontaine, poète français de grande renommée.

La carte ci-contre du pays des Hurons crée par saint Jean de Brébeuf, un Jésuite, indique en rouge l’emplacement stratégique de Carhagouha dans la baie Géorgienne en 1631, au sud de la baie du Tonnerre, à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Penetanguishene.

SAMUEL DE CHAMPLAIN :

Selon les dires des aïeux de Lafontaine (autochtones, métis et de souche européenne), l’habitation de Champlain à Carhagouha était sa cabane au Canada dans les Pays d’en Haut. Les peuplements de pins blancs des environs, avec un tronc bien droit et uniforme (devenus l’arbre officiel de l’Ontario en 1984), ont permis aux quelques 14 soldats collaborateurs de Champlain de lui bâtir une habitation rectangulaire, modeste et convenable « en pièce sur pièce » au-dedans de la forteresse huronne-wendat.

La construction du bâtiment consiste à ériger une structure d’habitation en disposant l’une par-dessus l’autre de larges pièces de pins blancs équarries à la hache, à l’aide d’un système de tenons et mortaises. Les interstices entre les pièces sont ensuite calfatés à l’aide de divers matériaux faciles d’accès, tel que la mousse des bois. Typiques des régions forestières, les structures en pièce sur pièce perpétuent une tradition héritée des premiers Blancs d’Amérique.

La verrière de l’église Sainte-Croix de Lafontaine ayant trait à Champlain rappelle aux visiteurs l’habitation de Carhagouha, sur le toit de laquelle on peut y voir le pavillon de la marine française au début du 17e siècle. Ce pavillon bleu royal orné d’une croix blanche symbolisant le christianisme implanté en Amérique dès 1534 par Jacques Cartier à Gaspé aurait flotté sur le grand mât du Don-de-Dieu à Québec en 1608. Le bleu royal, quant à lui, renvoie à la couleur du blason des souverains de France qui régnèrent sur la Nouvelle-France.

JOSEPH LE CARON :

Joseph Le Caron (missionnaire récollet né dans la région parisienne, France) est l’un des quatre premiers prêtres du Canada (les trois autres étant les pères Denis Jamay, Jean Dolbeau et le frère Pacifique Duplessis), ainsi que le deuxième Européen à séjourner en Huronie, après Étienne Brûlé (le premier Franco-Ontarien). Né en 1586, Le Caron arriva en Huronie en 1615, peu de temps avant que Champlain établisse une relation avec la nation des Hurons-Wendats. Le 12 août 1615, il célébra en pleine air à Carhagouha la première messe catholique en Ontario. Quelques semaines auparavant, les pères Le Caron et Jamay avaient célébré la première messe sur l’île de Montréal, le 24 juin 1615, jour de Saint-Jean-Baptiste.

Dans son livre Histoire des Premiers Travaux des Pères Récollets en Nouvelle-France (1615 – 1629) Gustave Labine (avocat) rapporte « Quant à ce qui concerne les Iroquois, la haine des Français était le plus puissant obstacle à leur conversion. Ils ne pardonnèrent jamais à Champlain d’avoir aidé les Hurons, leurs ennemis, dans les guerres qu’ils soutenaient contre eux. On peut dire que cet acte du fondateur de Québec, quelque justifiable qu’il soit, fut un empêchement constant à la conversion de ces sauvages, et la cause première des guerres meurtrières que la colonie eut à soutenir pendant cent cinquante ans contre toutes les tribus iroquoises et leurs alliés. »(aux pages 43 et 44)

SOMME TOUTE :

Alfred Mullie, un aîné de Lafontaine, nous raconte sur vidéo (5min. 40sec.) les points saillants de l’histoire et des légendes de Carhagouha et de l’église Sainte-Croix avec comme accompagnement musical l’ancien cantique français pour les groupes de prière « Ô Jésus, doux et humble de cœur ». Sûrement Champlain et son équipe chantèrent ce cantique avec lyrisme le 12 août 1615 au pays des Hurons-Wendats. De nos jours, ce fier peuple autochtone habite Wendake, signifiant « chez les Wendats », une réserve amérindienne située dans la région de Québec.

C’est vers 1830 que la colonisation française de Lafontaine, un district du canton de Tiny débuta avec les familles québécoises Descheneaux, Brunelle, Marchand, Marchildon, Maurice, Beausoleil, Desroches, Laurin, et Marion.

Avec l’espoir de faire aimer l’histoire.

JP

Avec l’aimable autorisation de Jean-Pierre Bernier

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